Ça prend la forme d'un simple prospectus : ma fille va faire "Un dessin contre la faim". Une idée d'Action contre la faim qui, en cheville avec l'école, fait gribouiller les petits. Sous le charme du talent fou de leur progéniture et de leur mauvaise conscience de nantis, les parents achètent la toile, minimum 5 euros (avec 75% de déduction fiscale à partir de 8 euros), et les pauvres peuvent enfin manger, joyeux Noël à tous. C'est en substance le contenu du prospectus que la maîtresse a distribué ce matin.
Putain, ma fille a 3 ans et demi. Elle parle encore à son doudou et je vais lui annoncer que des enfants qui lui ressemblent crèvent de faim ? Autant je trouve que le projet a du sens en fin de maternelle. J'ai senti chez le grand frère une vraie conscience s'éveiller même chez les moyens. Autant, j'ai l'impression que mener cette campagne auprès des petits, c'est davantage pour faire cracher les parents que pour accomplir une action pédagogique.
Qui est Marissa Mayer ? Vous ne connaissez peut-être pas son nom ni son visage angélique, mais cette blonde de 37 ans passe pour l'une des femmes les plus influentes et les mieux payées. Elle est devenue la patronne de Yahoo il y a quelques mois et depuis, les affaires redémarrent. Surtout, l'Américaine a accepté le job alors qu'elle était enceinte et a accouché d'un petit Macallister il y a deux mois. Un tour de force unanimement salué. Autant dire que tout le monde a bu ses paroles fin novembre quand elle a donné sa première interview. Elle y a parlé un peu de son fils
"Je savais que le travail serait dur et avoir un bébé amusant. Finalement Yahoo est un endroit drôle et mon baby est facile, bien plus facile que tout ce qu'on m'avait annoncé."
Depuis, une pluie de tribunes et coups de gueule s’abat sur la jeune femme, comme celui là : "Chère Marissa Mayer, s'il vous plaît, cessez de dire que votre bébé est facile." Il faut dire que la maman workahoolic avait fait grincer des dents avec un congé maternité plus petit qu'une couche Pampers taille naissance. Elle a continué à travailler depuis chez elle et était revenue après quelques semaines dans les locaux de Yahoo. Je me souviens d'avoir bouilli quand Rachida Dati avait fait la même chose : pas vraiment un bon message pour toutes les femmes qui défendent ce droit.
Mais les cris de parturiente en phase d'expulsion que provoquent les dernières déclarations de Marissa me laissent plus perplexes. Les pires arguments (traduits dans mon langage) : "Ton bébé n'a que deux mois, tu vas bientôt en chier grave de toute façon." Les plus sensés : "Il faudrait aussi que les femmes de pouvoir puissent être celles qui en ont bavé, avec des enfants pas 'faciles.'"
Certes. On regarde toutes ce que fait Marissa. Parce qu'il n'y a pas beaucoup d'autres exemples. Mais rien ne l'oblige à être un exemple. Et lui tomber dessus à la moindre de ses déclarations va finir par faire passer les féministes américaines pour des chieuses de première.
Et puis ça me rappelle ces copains qui me parlaient de leur bébé qui se rendort quand on fait "chut" après un premier réveil à 9h. Oui, j'étais jalouse. Oui, je leur ai souhaité secrètement d'avoir un adolescent insupportable. C'est triste mais la seule chose que le grand public retiendra des interventions des chroniqueurs.Parfois, il faudrait mieux choisir ses causes.
Mise à jour
A lire aussi sur le même sujet, le billet de Maman travaille, par Marlène Schiappa, qui rappelle que cette idée de "la maternité, on en bave" vient de livres tels que Mauvaises Mères mais n'est pas une réalité unique. Et c'est tant mieux.
Il y a celles qui grignotent à peine leurs céréales dès qu'elles se savent enceintes. Et celles qui commencent à boulotter avant même d'être fécondées, parce que "c'est le seul moment de leur vie" où elles pourront "manger autant qu'elles veulent". Il y a aussi celles qui prennent 20 kilos et en perdent 25 après l'accouchement. Et enfin celles qui en prennent 12 et gardent à vie une bouée de graisses autour des hanches.
Bref, nous sommes toutes plus qu'inégales devant la grossesse, sa prise de poids, sa perte de poids. Mais quand Grazia fait un article intitulé "Comment garder la ligne pendant la grossesse" (effacé du site depuis), ne savent-ils pas que ce sont les plus flippées par leurs poids qui vont dévorer la page ? Trois mois plus tard, le magazine publie un formidable papier de témoignages de femmes enceintes qui se sont mises en danger et parfois ont fait une fausse couche parce qu'elles se sont mises à la diète, souligne sur Twitter Mona Chollet. Le titre de l'article: "Quand la grossesse ne pèse pas lourd".
Pas de mea culpa
Je ne peux m'empêcher de penser que les journalistes ont conçu le second sujet après avoir reçu des réactions de lectrices au premier. Est-ce un problème ? Non. Pourquoi pas ? Faire un faux pas, et que ce soit l'occasion de bien traiter un sujet, de donner la parole à d'autres femmes, c'est plutôt sain. Même à mon échelle, sur ce blog, ça m'est arrivé d'amender ma position, ou de donner la parole à ceux et celles qui avaient commenté, car ce qu'ils avaient à dire était plus drôle ou plus fort que ce que j'avais dit moi-même.
Ce qui me gêne, comme Acrimed qui a écrit le premier article sur ce sujet, c'est que Grazia n'a jamais fait son mea culpa. A aucun moment, le second article ne fait même référence au premier. Comme pour le reste de la maternité, et toute la vie de maman qui attend chaque femme enceinte, ce serait bien qu'un jour, les magazines cessent de nous donner le mode d'emploi pour devenir parfaites. Car ça nous rend malades.